Internet est présent dans presque tous les aspects de notre vie. Cela peut sembler énorme, mais on estime qu’environ 12 % de tout le contenu Internet est pornographique .
Aux États-Unis, environ 13 % de la population consomme régulièrement de la pornographie. Selon le désormais célèbre rapport publié chaque année par PornHub , la France, en 2019, se classe au 7e rang du classement des pays qui ont généré le plus de trafic sur les sites pornographiques. Pour cette raison, c’est un phénomène intéressant à étudier et qui mérite toute notre attention.
COMMENT DOIS-JE VOIR LA DÉPENDANCE À LA PORNOGRAPHIE ?
On assiste aujourd’hui au phénomène des « nouvelles addictions », ainsi définies car, par rapport au passé, l’addiction n’est pas associée à la prise de substances mais à la réalisation d’un comportement, souvent courant et normal « à petites doses », qui se transforme en pathologie . C’est le cas de la dépendance à la pornographie.
Dans ces « nouvelles addictions », l’objet de l’addiction est donc un comportement ou une activité licite et socialement acceptée
QUELLES SONT LES CARACTÉRISTIQUES DE LA DÉPENDANCE À LA PORNOGRAPHIE ?
L’incidence est telle que de nombreux chercheurs s’accordent à dire que ces nouvelles formes d’addiction sont emblématiques de la postmodernité, et pourtant, à ce jour, il n’existe pas de classification officielle permettant de classer ces comportements dysfonctionnels dans des catégories précises.
Pour cela, nous nous référons à d’autres troubles ayant un mécanisme similaire : troubles liés à l’utilisation de substances, problèmes de contrôle des impulsions et ceux inclus dans le spectre des troubles obsessionnels compulsifs.
Les experts suggèrent que l’un des critères pour classer le désir d’utiliser des contenus pornographiques (un désir, évidemment, plus que normal) parmi les addictions est la présence de pensées persistantes qui poussent l’utilisateur à consommer de la pornographie : le seul moyen d’échapper à ces étouffantes pensées est, justement, de visionner le site pornographique.
Plus la personne déploie d’efforts pour contrôler son envie de visionner du contenu pornographique, plus le problème de dépendance est grave.
« DOCTEUR, LA PORNOGRAPHIE NUIT-ELLE AU DÉSIR SEXUEL? »
Si c’est le seul moyen d’accéder à la sexualité oui, ça pourrait l’être. Pour ressentir du plaisir, la personne s’habituera à n’utiliser que et exclusivement de la pornographie, courant le risque de devenir un usager compulsif et le désir sexuel sera vécu exclusivement comme un plaisir solitaire.
Aujourd’hui, il est possible d’avoir un téléphone mobile avec accès à Internet pour profiter à tout moment de contenus sexuels et pornographiques.
Ainsi, contrairement à l’époque où la connexion à Internet n’était pas si immédiate, une utilisation continue, illimitée, exclusive et incontrôlable (par exemple, pour les mineurs) de la pornographie est possible.
Les premières approches sexuelles peuvent générer de l’anxiété, de la peur, des émotions, alors que l’auto-érotisme, en comparaison, peut sembler beaucoup plus rassurant et ‘simple’. Il ne nous demande pas de nous impliquer et il ne nous soumet à aucune comparaison avec l’autre.
Pour cette raison, il peut être plus facile pour les jeunes d’assouvir leur désir par la pornographie qui mène à l’addiction plutôt que face à un véritable échange, dans un environnement incontrôlé, dans lequel on est ouvert à la possibilité d’une déception.
QUELLES SONT LES IMPLICATIONS DE LA DÉPENDANCE AU PORNO SUR LA VIE SEXUELLE ?
Il arrive très souvent que des jeunes viennent en thérapie en se demandant : « Docteur, est-ce que je suis devenu accro au porno, est-ce que voir tout ce porno a changé ma façon de faire l’amour ? ”.
La réponse est bien sûr extrêmement personnelle et doit être appréciée au cas par cas, cependant ce qui est intéressant ce sont les deux implications que la pornographie peut avoir sur les relations intimes.
La première implication est qu’une sorte d’appauvrissement émotionnel peut être reconnu. Voir des relations sexuelles structurées d’une certaine manière peut conduire à tenter de les reproduire dans la vraie vie : en effet, tout dans le porno est rapide, précis.
Par conséquent, l’ acte sexuel est vécu comme une performance à observer de l’extérieur, plutôt qu’une expérience à vivre de l’intérieur. Cela entraîne des déceptions conséquentes dans son couple : vivre un acte sexuel est très différent de le voir, ce qui marche en vidéo ne marche pas forcément dans la vraie vie.
Le deuxième aspect est celui de la performance , tout répliquer devient un défi avec soi-même, donc un critère, un système d’évaluation que l’autre place. Le rapport sexuel devient alors un moment de tension sous le feu de la caméra vidéo interne prête à attribuer un jugement.
En corollaire à ces deux aspects, nous en trouvons un troisième, présent surtout chez les adolescents qui, utilisant la pornographie, la prennent comme référence de la réalité.
Ainsi, non seulement ils ont tendance à reproduire des dynamiques typiques des films pornos, mais ils estiment que les acteurs qui ont également été choisis pour la taille de leurs organes génitaux représentent plutôt la normalité.
S’établit donc, la soi-disant dysmorphophobie pénienne : des garçons qui ont des organes génitaux adéquats qui, par rapport aux acteurs porno, se sentent inadéquats ou qui pensent qu’ils ne durent pas assez longtemps par rapport aux relations qu’ils voient en vidéo et qui sont, évidemment, le résultat d’un savant travail de montage.
Les principales implications que nous remarquons sont donc au nombre de deux : l’appauvrissement émotionnel et la performance qui affectent grandement le type de relation sexuelle et conduisent probablement à une certaine déconnexion émotionnelle entre ce que l’on vit et ce que l’on ressent à le faire
SOLUTIONS POSSIBLES
Comme mentionné, le problème n’est pas la pornographie, mais la dépendance à celle-ci. Quand on se rend compte que cela « s’étend » dans nos vies en devenant encombrants dans nos journées comme si c’était un devoir, et altérant notre libido, tant individuellement qu’en couple, alors le moment est venu de demander de l’aide à un professionnel.
La sexualité est l’une de nos sphères les plus intimes et émotionnelles, elle doit donc être nourrie et explorée et non réduite à la reproduction mécanique d’un scénario.